c'est d'abord Bruno Leroux. Une gueule d'amour cassée et classieuse, chanteur des Locataires, co-équipier de Miossec sur Boire,révélateur de Fanny Labiau sur L'amour à trois, leur précédent album. C'est surtout le chef d'une bande flamboyante, sur scène comme sur disque, de musiciens chevronnés, plumes fines, potes de comptoirs et filles troublantes.

Siam, pour Bruno Leroux, n'évoque pas tant d'exotiques royaumes disparus que la fameuse rue de Siam de sa ville natale : Brest, bout du monde mouillé aux destinées rugueuses, rageuses et follement romantiques.

Si le premier album de Siam se déroulait dans l'intimité d'une chambre close, enregistré en formation resserrée autour des accents lancinants du bandonéon de Fanny Labiau, Je te mens s'échappe en ville, court les rues, bat le pavé, traîne dans les rades et convoque de talentueux protagonistes pour une piste sans fin, une fuite nocturne typiquement brestoise. Aussi pop et déluré que L'amour à trois était dramatique et chic, ce deuxième album, passage a priori périlleux dans la carrière d'un groupe, est court, dense, et haletant. Onze chansons-choc,françaises bien sûr, cavalent entre rock à la moiteur discoïde (La Trace)et violentes ruptures (Pour tes beaux yeux) dans un road-movie humide (rue de Siam), mais toujours amoureux (Une route). Dans cette course de nuit, l'album ménage de belles pauses, sensuelles et introspectives(Je te mens, Les laminaires), berceuses pop ou slows facétieux, sur le thème jamais usé des amours coupables (L'amie de mon ami,Lola), mais ô combien délicieuses (Mon inconnu). En dandy fauché (La carte Electron) à l'humour grave et à la dépression légère (Les grandes eaux),Bruno Leroux incarne avec un humour désinvolte les fantasmes d'un homme d'aujourd'hui, un peu dépassé, toujours sur la brèche, éperdument vivant.Sur cet album glam, baroque et bariolé, aux arrangements luxuriants (cuivres, cordes et clochettes à la Kinks ou Left Banke) ou épurés façon Dominique A., à qui il emprunte certains musiciens, Siam pulvérise les genres et les tempos. La voix de son héros est plus juste que jamais. Aux côtés de Gainsbourg, Miossec ou Biolay, Bruno Leroux impose son timbre parmi les dynamiteurs inspirés de la chanson française.